Quand on a quatre fois 20 ans
Nous proposons de découvrir Guitemie Galmiche à travers les témoignages exprimés au cours de la célébration de ses obsèques, ou reçus d’amis liés à elle par l’affection ou la communion dans la foi. Ils sont regroupés autour des trois grandes vertus théologales : Joie de croire – joie de vivre, la bonté de Guitemie, les jardins d’espérance.
Sa vie
Guitemie est née en 1923 à Nancy, la troisième d’une famille de huit enfants, ayant des racines plutôt en Bourgogne. Après des études d’infirmière, elle est arrivée dans les « Equipes Madeleine Delbrêl » en 1947. Avec celles-ci, elle choisit une vie d’Evangile en plein monde, au coude à coude avec tous ceux et celles qu’elles rencontrent ou qui frappent à leur porte. Infirmière de quartier, elle donne de son temps et de son affection à chacun, d’abord à Ivry sur Seine (94) et dans l’Yonne, puis dans le bassin de Longwy alors en plein essor économique. En 1961, elle part en Côte d’Ivoire pour y implanter une Equipe. Elle apporte sa compétence d’infirmière aux enfants souvent très touchés par les maladies tropicales. En 1965, elle revient dans l’Equipe d’Ivry, au 11, rue Raspail. Elle sillonne la ville à mobylette au service des malades et des amis en difficulté. Elle s’engage au service des autres : collectif des personnes sans abri, l’aide aux devoirs ( soutien scolaire) et bien sûr, elle participe activement à l’animation des paroisses d’Ivry. Elle mène une vie de dévouement sans frontières auprès de chacun, quelles que soient sa nationalité, sa culture ou ses convictions. Puis vint le temps de la maladie. Malgré le cancer qui la rongeait, en bonne infirmière, elle se souciait des autres malades et rayonnait, avec son inlassable intérêt pour la vie. Elle a lutté jusqu’au bout. Un traitement de chimiothérapie très dur n’a pu vaincre le cancer. Guitemie a rejoint son Seigneur dans la nuit du 14 février 2003.
Joie de croire, joie de vivre
Guitemie, c’est d’abord pour tout le monde ses yeux comme des billes noires, ce sourire qui va de l’avant.
Sa foi s’exprimait sans aucun prosélytisme, mais par ses actes, dans toutes ses rencontres, là où le mieux vivre ensemble était en jeu. Pour les chrétiens pratiquants ou non, elle a été un repère. Elle savait aider à retrouver sens à la vie. A ceux qui « galéraient », elle redonnait l’envie de vivre. Guitemie a « fonctionné » dans la durée car elle a traversé changements et évolutions en restant fidèle. Ouverte à tous, comprenant chacun, elle ne contredisait pas, mais elle savait dire « je ne suis pas d’accord ».
Guitemie puisait cette force dans sa foi en Dieu. « Elle avait une relation privilégiée avec Notre Père du ciel », dit un de ses amis. Seul celui qui aura demandé et reçu la force de parler à Dieu de la part de tous, aura la force, car c’est la même, de parler à tous de la part de Dieu. Guitemie était une femme qui a laissé l’Evangile s’accomplir dans sa vie, le donnant ainsi à lire à ceux et celles qu’elle côtoyait ; dans l’ordinaire du quotidien avec attention, respect, et une inlassable quête du positif en chacun et en toutes choses.
Elle aimait à dépasser la seule compassion : quand aurons-nous compris que le Christ n’a pas acheté la résignation avec sa mort ? Aimer, c’est ne pas être résigné ni pour soi, ni pour les autres, c’est l’honneur de la joie, parce qu’on a l’honneur de Dieu .
La bonté de Guitemie
« C’est de la chance de rencontrer la bonté à l’état pur » a dit un de ses amis. Tout le monde se souvient de la manière dont elle était au service de la population. Elle avait ce bras levé sur sa mobylette pour dire bonjour quand on la croisait dans une rue d’Ivry. Sur sa mobylette d’infirmière, elle partait piquer, mais aussi soulager les souffrances morales.
Elle pouvait discuter passionnément politique, religion, philosophie. Le regard de tendresse de Guitemie sur chacun s’enracinait, nous le croyons, dans l’amour qu’elle avait pour Dieu. Elle avait pour ceux qu’elle rencontrait une présence, une concentration de tout son être. Et même quand elle n’était pas d’accord, on se sentait aimé. Car pour Guitemie, l’amour des autres n’était ni mièvrerie, ni facilité. Elle aimait citer ces propos de Madeleine : qu’aurions-nous appris de l’amour si nous prenions pour suffisant de souffrir avec ceux qui souffrent ? Sans rêver de refaire le monde, Guitemie était engagée dans diverses associations, entreprises, et avec fermeté car sous estimer les injustices, c’est laisser signer par d’autres que Lui la condamnation que Dieu lui-même en a faite . Oui, cette bonté, palpable par tous, croyants et non croyants, elle la puisait à celle du christ, le Bon Samaritain ; le Christ qui aime chacun, jusqu’au bout, sans passer à coté.
La bonté de Jésus-Christ
si nous la vivions comme l’épiderme
de la charité de Jésus,
elle serait révolutionnaire,
car rien au monde n’a ses exigences,
rien au monde n’a ses dimensions
Personne sauf Jésus-Christ
n’a demandé à notre cur
d’aimer chacun de tous les hommes,
de l’aimer jusqu’au bout
et de l’aimer en toutes choses.
Mais quand un homme
a été aimé de cet amour-là
il en garde le souvenir,
et ce souvenir devient à son tour
comme un pressentiment
de l’amour même de Dieu.
(Ce texte de Madeleine, qu’elle aimait, a été lu à ses obsèques. Il révèle le sens de son attitude. Oui, il y a des êtres qui nous font pressentir que « le règne de Dieu est tout proche .)
Jardins d’espérance
Guitemie était sollicitée sur le sens de la vie par croyants et non croyants. Quand la maladie s’est mise à gagner inexorablement, elle répétait cette prière de Madeleine, et de Jésus au Jardin des Oliviers :
“Je veux ce que tu veux
Sans me demander si j’en ai envie
Sans me demander si je le veux
Je veux ce que tu veux.”
La mort nous fait nous poser des questions sur l’au-delà. Voici quelques unes des espérances de ses amis vis-à-vis de Guitemie :
– « J’espère que je te retrouverai un jour quelque part où il fera bon se sourire en silence ».
– « Je continuerai à lui parler dans le secret de mon cur et je sais qu’elle me répondra avec son sourire si doux, comme avant ».
– Extraits de l’hommage du maire communiste de la ville : « Vous portiez le nom d’une fleur
de celle qui annonce le printemps. Toute votre vie vous avez vécu votre foi
c’est-à-dire votre croyance en Dieu, en l’humanité, en sillonnant des chemins où se croisaient des misères, des grandes souffrances, mais aussi des solidarités, de la fraternité, des combats à mener, du bonheur à semer. Nous étions ensemble auprès des plus pauvres, des plus démunis, les SDF. Vous étiez là chaque fois que la paix vacillait. Imaginez ces rues de Paris, Rome, Madrid, Londres ou New-York colorées des millions de chants de paix et de la solidarité internationale. Vous avez traversé, vécu un monde tumultueux, mais dans ce coin de jardin, au 11, rue Raspail, vous avez rêvé d’un autre monde, vous l’avez construit dans le cur des habitants d’Ivry, avec votre foi et votre courage.
Pars en paix. Je te dis, Guitemie, nous prendrons soin des roses de ton jardin ».
Oui, Guitemie, avec toi et dans la joie, nous pouvons chanter :
“Pour que sur la terre on connaisse ton chemin
Et parmi tous les païens ton salut
La terre a donné son fruit
Dieu, notre Dieu, nous bénit.” (Psaume 66)