Voici la dernière catéchèse de Carême, écrites spécialement par des évêques de France à cette occasion.
La liturgie du Vendredi Saint, où nous revivons en Eglise le mystère de la croix, est toute de lumière et d’amour. Cette liturgie nous montre Jésus, Serviteur du Père, transpercé à cause de nos fautes et chargé de nos douleurs. Il est broyé par nos péchés et porte nos souffrances. Il est « l’Agneau sans tâche »1 devenu pour tous ceux qui lui obéissent cause de salut éternel. En nous enveloppant de sa lumière, la croix nous révèle combien le Père aime ses enfants, errants sur les chemins du monde, loin de la demeure qu’il leur propose. Le Père, dans son grand amour, donne son Fils, comme « la voie, la vérité et la vie »2 . Cette certitude que la foi met au plus profond de notre intelligence, habitée par la lumière venue d’en-haut, nous incite à avancer « avec pleine assurance vers le Dieu tout puissant qui fait grâce »3 . Bouleversante par sa sobriété, l’admirable liturgie du Vendredi Saint suscite en nos cœurs un élan d’amour incoercible vers le Christ qui, par sa mort et sa résurrection, obtient pour les hommes la miséricorde du Père !
Tous unis dans une même foi et dans une même espérance, nous sommes invités à contempler la croix et à dire au nom de l’humanité d’aujourd’hui : « Salut, ô croix, tu nous apportes la vie ! » Afin que la croix nous apparaisse comme la victoire de l’amour tout puissant sur le péché et sur la mort, comme le chemin aussi d’une délivrance radicale à laquelle nous aspirons sans pouvoir nous la procurer, comme la voie enfin d’une inconcevable plénitude de vie, nous avons besoin de la Vierge Marie que saint Jean nous montre dans son Evangile près de la croix de son Fils. Le même évangéliste est le seul à nous rappeler la parole que Jésus dit à sa Mère au moment de consommer son sacrifice : « Femme, voici ton Fils ! »4
Lorsque Marie entend la parole que lui adresse son Fils crucifié, elle est dans la nuit d’une foi très pure. Cette foi contredit ce que ses yeux de chair voient mais la tient tout près de la croix. Pendant la vie publique de Jésus, Marie s’est effacée. A l’heure où elle ne peut plus rien faire extérieurement pour son Fils, Marie demeure près de lui. Comme le dit un théologien de notre temps, « cette présence, pour tous deux, est à la fois indiciblement, inextricablement, douceur et douleur ». Dans la pauvreté d’un cœur aimant, Marie accueille la souffrance de son Fils. Elle se livre sans réserve à la volonté divine.
En lui disant : « Femme, voici ton Fils », Jésus introduit Marie « au cœur même du drame de la rédemption du monde ». Il invite celle qui lui est unie dans l’amour, à choisir de souffrir et de mourir dans son cœur de Mère pour le salut de tous les hommes. La Passion du Christ demande à se prolonger en compassion dans le cœur de celle qui « suit l’Agneau partout où il va »5 . A ce moment, Marie incarne d’une manière parfaite et unique la vocation de l’Eglise : celle d’être avec le Christ, dans le Christ, et par le Christ, Sauveur du monde.
Telle est aussi notre vocation, reçue au baptême : devenir les sauveurs de nos frères par la croix de Jésus plantée en nos cœurs. « A partir d’un seul et par un seul, disait Clément d’Alexandrie, nous sommes sauvés et sauveurs ».
En contemplant Marie, l’Eglise saisit et accomplit toujours mieux sa mission, celle d’être « Femme » . Une telle mission est intercession et offrande et elle a pour fruit une immense fécondité.
Comme il est nécessaire de nous en rappeler pendant la Semaine Sainte où Jésus nous présente sa croix afin que nous y montions !
Marie aide l’Eglise à étreindre la croix de son Fils, croix, source de vie pour le monde à la gloire du Père.
Marie fait retentir aussi le cri de soif de Jésus dans l’Eglise et dans nos cœurs. Elle découvre aux âmes qui se remettent à Elle, selon la volonté même de Dieu, « qu’à la soif physique qui torture Jésus, s’ajoute la soif plus forte encore de son désir de sauver le monde »6 . Sur la croix, Jésus dit : « J’ai soif ! »7 Mais les hommes ne lui ont pas donné ce dont il avait soif. En effet, «C’est d’eux qu’il avait soif et les hommes lui ont donné du vinaigre »8 . Marie communique à l’Eglise l’insatiable soif de Jésus. Une telle soif pousse de nombreuses âmes aux plus grandes immolations. Quelques heures avant sa mort, Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus s’écriait : « Je n’aurais jamais cru qu’il fut possible de tant souffrir ! Jamais ! Jamais ! Je ne puis m’expliquer cela que par les désirs ardents que j’ai eus de sauver les âmes ! » Oui, les saints, à la ressemblance du Christ, ont soif du salut des hommes. Cette même soif incite beaucoup de jeunes à tout quitter pour annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.
Marie exerce sa maternité sur l’Eglise en l’aidant à aller jusqu’au bout de son offrande, jusqu’au bout des exigences d’un amour dont les Proverbe disent « qu’il est un feu qui ne dit jamais : assez ! »9 Ainsi, sous la conduite de Marie, l’Eglise s’achemine vers l’accomplissement en ses membres de la parole que Jésus a prononcée avant d’expirer sur la croix : « Tout est consommé ! »10
« O Marie, Mère de l’Eglise, embrase-nous de l’amour consumant ton cœur, amour symbolisé dans ton sanctuaire du Puy, par la couleur de la statue qui te représente nous donnant ton divin Fils : « Je suis noire mais belle parce que le soleil m’a brûlée ! » 11
1Exode 12, 5
2Jn 14, 6
3He 4, 16
4Jn 19, 26
5Ap 14, 4
6Cardinal Charles Journet
7Jn 19, 28
8Saint Augustin
9Proverbe 30, 16
10Jn 19, 30
11Ct 1, 5-6