Voici une catéchèse de Monseigneur Robert Le Gall, archevêque de Toulouse, pour nous aider à rentrer dans l’Avent. Une attente chantante et pleine d’espérance.
Nous sommes curieux en France : la belle musique, qu’elle soit instrumentale ou chorale, nous savons l’apprécier quand l’occasion nous en est donnée, mais dès qu’il s’agit de chanter nous-mêmes, d’étranges inhibitions nous paralysent. Les hommes, en particulier, estiment souvent que le chant n’est pas leur affaire. Qu’un certain nombre de professionnels s’en occupent, soit, mais qu’on n’insiste pas pour leur faire donner de la voix, sauf pour certaines chansons militaires ou autres et pour quelques pièces liturgiques de foule comme le Credo !
Il n’en est pas ainsi sur nos frontières : les Irlandais, les Anglais, les Allemands, les Italiens et les Espagnols ne pensent pas déchoir ni perdre leur virilité en s’adonnant au chant. Assurément, leurs diverses langues se prêtent mieux à la musique que notre français, dont le génie est surtout marqué par la précision et la clarté. Cependant, tout homme qui refuse de chanter, mutile son humanité.
Ils faisaient belle figure quelques-uns de nos compatriotes participant à une soirée amicale outre-Rhin, vers la fin de la seconde guerre mondiale ! Ils venaient d’entendre, médusés, plusieurs chorals admirables et d’émouvantes chansons populaires, et on les invita à donner à leur tour un échantillon de nos propres airs. Ils restèrent cois, et il fallut qu’un Allemand leur rappelle la beauté de certains noëls français. En ce début de l’Avent, la mélodie de l’un d’entre eux résonne à nos oreilles :
Voici le saint temps, mes frères,
Que le bon Jésus
Au monde vint pour l’affaire
De notre salut,
De notre salut, mes frères,
De notre salut.
De telles chansons, souvent pleines d’humour et de finesse, nous donnent du cœur pour marcher dans la joie vers la fête de Noël, mais, au-delà, pour avancer avec toute l’Eglise vers la rencontre définitive avec Dieu. La liturgie de ce jour, en effet, nous oriente non d’abord vers Bethléem, mais vers la Jérusalem céleste. Tous les peuples, à la suite de Jésus et de Marie, sont en pèlerinage vers la Cité sainte dont nous sommes appelés à devenir les citoyens : “Venez, montons à la montagne du Seigneur, au temple du Dieu de Jacob ! Venez, famille de Jacob, marchons à la lumière du Seigneur ! ”
Comment imaginer un pèlerinage sans chants ? Celui des jeunes de France en Terre sainte au mois de juillet dernier, où ils étaient plus de 1700 a résonné de leur enthousiasme joyeux. Ainsi, les Hébreux, qui montaient à Jérusalem trois fois par an à l’occasion des grandes fêtes, chantaient ces joyaux de prière que sont les Psaumes graduels : “O ma joie, quand on m’a dit : Nous allons à la maison du Seigneur ! ” L’Avent, c’est d’abord l’immense montée des peuples dans la véritable “maison commune ” qu’est notre Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. L’un des Trois s’est fait l’un de nous pour que nous devenions comme l’un d’eux, c’est-à-dire comme le Fils, pour que nous soyons le Fils total : notre montée vers la Jérusalem d’en-haut ne peut se faire que grâce à Celui qui est descendu chez nous, grâce à l’Enfant de Bethléem qui, pour nous, s’est fait homme, vraiment l’un de nous :
Il voulut comme nous autres
Avoir le nez fait,
Ses mains ainsi que les nôtres
Au bout de ses bras,
Au bout de ses bras, mes frères,
Au bout de ses bras.
Il est descendu chez nous, il est devenu l’un de nous, et il est remonté chez son Père pour nous y préparer la place immense que la tendresse divine nous réserve de toute éternité. Comment ne pas chanter à cette perspective ! Marchons et chantons ! Notre allant joyeux nous maintient en état de vigilance pour le retour du Christ : il vient vers nous lui aussi et il faut qu’il nous trouve “dans l’exultation de sa louange “, comme le chantera la Préface des jours qui précèdent Noël.
Pour ne pas dormir, pour ne pas traîner, chantons ! Il n’est pas de meilleure façon de veiller que de chanter : n’est-ce pas ce que faisaient nos aïeux la veillée de Noël avant la messe de minuit, en reprenant précisément quelques-uns de nos vieux noëls ? N’est-ce pas ce que font les moines toutes les nuits ? Si nous ne voulons pas être laissés sur place quand passera le cortège se portant à la rencontre du Christ pour entrer dans la salle du festin nuptial, chantons, Français, laissons là tout respect humain ! Veillons, marchons, chantons !
Promptement levez-vous, mon voisin,
Le Sauveur de la terre
Est enfin parmi nous, mon voisin,
Envoyé de son Père, mon voisin :
Allez, mon voisin,
A la crèche, mon voisin,
Courez, mon voisin,
A la crèche.
+ fr Robert Le Gall
Archevêque de Toulouse